Interview

Interview du Président de l’association Artisans du Monde Nice

C’est pour expliquer le bien-fondé du commerce équitable que le Président de l’Association ‘‘Artisans du Monde’’ à Nice, Mr Bruno Georges, a échangé avec nous sur les questions liées à ce système. Le commerce équitable vu comme un levier de développement et de réduction des inégalités dans le monde doit être une préoccupation pour tous, car dit-il, « acheter c’est voter ».

 

1/ Comment peut-on expliquer aujourd’hui cette démarche de Commerce équitable ?

Le commerce international est  inéquitable dans le monde les relations entre les pays du nord et ceux du Sud sont très inégales les grandes multinationales profitent des besoins des pays du sud qui sont fournisseurs de ressources pour exploiter à la fois leurs mains-d’œuvre, leur environnement, leurs ressources minières…et ne les paient pas  dignement afin de leurs permettre de vivre décemment suivant les critères de dignité de vie, de droit au logement, à la santé, à l’éducation, aux loisirs…tout ça a été bafoué depuis toujours. Depuis le début de la colonisation, le commerce qui peut être source de relations pacifique entre les gens a été souvent, au contraire, une source d’exploitation du producteur ceci venant du rapport de force entre les 2 parties et cela continue jusqu’à aujourd’hui.

On peut prendre l’exemple du chocolat. C’est le produit emblématique du commerce équitable. On peut voir de nombreuses émissions à la télé, qui montrent que les conditions dans lesquelles est produit le cacao dans des pays tel que la Cote d’Ivoire qui est le premier producteur au monde sont déplorables cela allant jusqu’à l’exploitation des enfants. Les grandes sociétés se cachent derrière le fait que faisant appel à des sous-traitants elles ne peuvent pas contrôler le travail de ces derniers et de ce fait leurs sous-traitants peuvent respecter ou non les conditions humaines et environnementales. En fait elles imposent une telle pression sur les prix que les sous-traitants sont obligés de recourir à du travail illégal et une situation de quasi-esclavage pour répondre à ces conditions de paiement.

Les principes du commerce équitable s’étendent actuellement vers les paysans français, car eux non plus ne peuvent pas vivre correctement de leur travail.  S’il ya un paysan qui se suicide tous les trois jours c’est parce que le même phénomène se reproduit aussi chez nous, raison pour laquelle Commerce Equitable France étend les règles du commerce équitable aux relations avec nos paysans locaux.

2/ En tant que Président de l’Association Artisans du Monde quel est le but ici pour vous de s’intéresser à cette question de commerce équitable?

Artisans du monde se différencie d’autres Organisations car ils se consacrent presqu’exclusivement à la vente de produits de commerce équitable, parce qu’il s’appuie sur les trois piliers que sont l’action de vente, l’action de plaidoyer c’est-à-dire faire signer des pétitions, participer à des instances de lobbying et faire de l’éducation dans les collèges, lycées, universités, ceci au niveau national comme local. Le but est à la fois de proposer à des clients des produits de qualités, soutenir des producteurs défavorisés dans tous les pays du monde pour qu’ils s’organisent, et qu’ils puissent vendre leurs produits de manière satisfaisante, sensibiliser les jeunes et essayer de faire pression sur les gouvernements et les élus locaux pour qu’ils favorisent le commerce équitable et non pas qu’ils le laissent à la loi totale du marché.

3/ Le commerce équitable, on en parle un peu plus, ses avantages sont-ils perceptibles aujourd’hui ? Comment les matérialiser ?

Les clients en arrivant dans la boutique Artisans du Monde savent a priori qu’ils vont pouvoir  trouver des produits qui ont été réalisés en respectant les producteurs et l’environnement, car ils sont faits en bio pour l’alimentaire et même quand c’est de l’artisanat comme pour les sacs en cuire par exemple (industrie très polluante à cause des produits chimiques utilisés) les méthodes utilisées sont à base de produits naturels. Les clients ont confiance qu’ils vont avoir contribué à payer des salaires corrects et  permettre à ces personnes de vivre correctement. De plus ils auront des produits de qualités et originaux.

Pour ce qui est du fournisseur  il y’a de nombreux avantages définis dans les 10 principes du commerce équitable, cela va notamment améliorer le prix auquel ils vendent leur produit qui est défini avec le producteur  de manière réciproque et au-dessus des cours du  marché, les commandes sont préfinancées, il a un bonus je crois, à hauteur de 10 pour cent  pour permettre la réalisation des projets coopératifs, le respect de l’égalité des genres,  le non-travail des enfants, la transparence et la responsabilité…Les relations seront  sur le long terme. Nous avons des études d’impacts, il y’a également sur notre site des témoignages des producteurs que l’on appelle des paroles de partenaires ou le représentant  du groupement témoigne qu’ils sont satisfaits de leur condition de travail aujourd’hui.

4/ Quelles sont les composantes de cette Association dont vous êtes le Président?

À Nice nous avons environ 25 à 30 personnes principalement des retraités car une grande partie de l’activité est la permanence en boutique, il faut donc être disponible une à deux demi-journées par semaine. Au niveau national il y’a la fédération composée d’employé (es) et dans la centrale d’achat il y’a 15 à 20 personnes qui sont également employées dans différentes structures.

 

5/ Que retrouve-t-on de plus attrayant dans vos boutiques ?

Nous offrons des produits uniques, déjà nos chocolats sont de très bonne qualité dont on sait exactement  tout ce qu’ils contiennent, qui sont fait par un artisan chocolatier en Suisse. Ils sont fait à base de fèves de cacao qui viennent de trois ou quatre pays d’Amérique latine avec des cacaos qui ont été cultivé en Bio et en agro foresterie c’est-à-dire avec d’autres plantes qui poussent en même temps pour que ça fasse un écosystème en équilibre, ils sont vraiment délicieux et beaucoup des clients viennent acheter nos chocolats. Nous avons aussi du café, une très grande variété de thés, du riz, du quinoa, etc… Le chocolat est ce qui attire encore le plus de personnes. L’artisanat  est très varié ça va des sacs, des écharpes, des bijoux, à divers articles de vaisselles, des jeux, des jouets… Ce sont des produits uniques qu’on ne retrouve pas ailleurs qui sont réalisés pour la plupart en quantité limitée pour Artisans du Monde.

 

6/ Comment justifiez-vous le cout de vos produits ?

Premièrement, ce sont des produits de qualités, deuxièmement nous payons correctement les producteurs et cela coute plus cher. Il est très difficile d’avoir la décomposition des prix dans le commerce traditionnel. Lorsqu’on paie correctement ses producteurs on a forcément  des prix un tout petit peu élevés, et nous avons aussi toujours la qualité. Pour cela et pour sensibiliser les consommateurs nous sommes justement une association compensant ainsi d’une certaine manière le paiement supérieur pour convaincre que ce système se répande et devienne la norme. Si tout le monde était en commerce équitable on n’aurait pas besoin d’être une association de bénévoles le problème c’est que peu de commerces respectent les conditions du commerce équitable.

Cela devrait donc être temporaire et on ne devrait bientôt trouver que des produits équitables. Cela commence un peu dans les boutiques Bio, on trouve de plus en plus de produits de commerce équitable mais qui sont souvent à des prix un peu plus élevés que les nôtres. Bien qu’ayant un marché de masse plus grand que nous ils peuvent réduire les couts. Biocoop par exemple arrive à avoir des produits équitables à des prix  équivalents aux nôtres, mais en ayant des employés. On participe ainsi à amélioré le système.

7/ Quels sont vos besoins et vos souhaits en ce début d’année ?

Tous les commerces devraient être équitable et on ne devrait plus en parler c’est vrai ce ne sera pas pour demain, mais on essaye. Nous espérons avoir d’autres bénévoles qui viendront nous aider car on est tous vieillissants, nous avons besoin de renouveler des gens qui s’engagent, des gens qui savent vendre en expliquant, vendre en sensibilisant et d’autres qui puissent mener des actions d’éducation dans des écoles. Que les médias nous aident à nous faire connaitre et qu’on puisse se développer avoir une boutique encore plus attrayante avec plus de produits. Si l’on avait suffisamment de bénévoles et de clients on pourrait se déplacer dans une autre rue encore plus connue tel que sur le boulevard de Maloséna. Cela nous permettrait de croitre dans le respect de notre éthique afin  d’offrir à plus de clients la possibilité d’acheter des produits équitables. Il est en effet très difficile de trouver de l’artisanat et des vêtements issus du commerce équitable.

8/ Quel est votre message de sensibilisation vis-à-vis des consommateurs en ce qui concerne le commerce équitable ?

Vivement que les consommateurs soient conscients de leur action, car un acte d’achat est un acte qui vaut un vote Ganghi disait : « soit le changement que tu veux voir dans le monde » ne demandons pas seulement des changements essayons de les appliquer sur soi…

9/ Quels sont vos rapports avec ces producteurs que vous souhaitez rendre autonomes par leurs activités aujourd’hui?

La boutique Artisans du monde se fournit à travers sa centrale d’achat et cette centrale d’achat à environs 110 producteurs référencés avec lesquels elle travaille et qui sont reparties dans toutes les parties du monde. Nous avons des relations directes avec des fournisseurs de beurre de karité et avec un petit groupement Bronziers au BurkinaFaso. Nous continuons de maintenir avec ces gens des relations responsables et équitables.